14 mars 2018

Ecart salarial : un niveau toujours inacceptable !

Après l’évolution positive d’il y a quelques années, l’écart salarial entre les femmes et les hommes semble désormais stagner à 20% depuis maintenant quatre ans. Les femmes gagnent toujours un cinquième de moins que les hommes. C’est inacceptable ! Des mesures efficaces s’imposent.

Sur un an, les femmes gagnent en moyenne 20% de moins que les hommes (secteur privé, temps pleins et temps partiels ensemble). Si on intègre les avantages extralégaux (bonus, primes, assurances, voitures de société…) dans le calcul, l’écart salarial atteint même 27%. Ainsi, par exemple, trois quart des voitures de société sont réservées aux hommes.

Deux facteurs jouent un rôle clé. D’une part, il y a encore trop de discrimination sur la base du sexe. Cela signifie que les femmes gagnent moins que les hommes pour le même travail, purement et simplement parce qu’elle sont des femmes. D’autre part, il y a la répartition problématique du travail dans notre société. Une conséquence des modèles de rôles traditionnels et de stéréotypes sociétaux tenaces. Problème supplémentaire : l’écart salarial entraîne également un écart de pension.

L’écart salarial est symptomatique d’une société injuste. La lutte contre cet écart est également une lutte contre les préjugés et les rapports de force déséquilibrés. Depuis 2012, il existe une loi visant à lutter contre l’écart salarial entre hommes et femmes. Néanmoins, l’écart salarial f/h persiste.

Des secteurs « féminins »

L’écart salarial commence à un stade précoce de la carrière. Nous remarquons que les salaires sont les plus bas dans les secteurs où les femmes sont plus représentées que les hommes. Ces secteurs dits « typiquement féminins » sont, par exemple, le nettoyage, le non-marchand, le commerce… Dans les branches de l’économie à prédominance masculine, les travailleurs sont mieux payés. Pensons à des professions comme ingénieur ou développeur IT. Les femmes ne représentent que 3% des CEO, soit les plus gros salaires.

A cela s’ajoute le fait que dans les secteurs les moins bien payés, les employeurs ont nettement plus recours au travail à temps partiel. Dans la distribution, une majorité de travailleurs – surtout des femmes – travaillent moins qu’un temps plein. Toutes ces femmes ne font pas pour autant ce choix volontairement. Dans la plupart des cas, elles n’ont pas le choix.

Cercle vicieux

Si nous laissons le choix du secteur hors de considération, nous constatons que les femmes restent plus souvent que leurs collègues masculins dans des fonctions moins bien payées. Elles ont moins d’opportunités de promotion. Ce n’est pas pour rien que l’on parle de plafond de verre pour expliquer que les femmes ne reçoivent pas de possibilités de promotion ou de sol collant pour expliquer qu’elles restent bloquées dans des fonctions moins bien payées.

L’écart salarial est un phénomène sociétal complexe qui peut difficilement s’expliquer en quelques lignes. De nombreux facteurs jouent ici un rôle et s’influencent les uns les autres dans tous les sens possibles.

La répartition traditionnelle des rôles pousse, dès leur jeune âge, les femmes dans une certaine direction. Même si c’est souvent le fruit d’un processus inconscient, une fille sera plus vite encouragée à privilégier le secteur des soins par exemple, par rapport à l’informatique. L’éducation et les facteurs environnementaux expliquent qu’un garçon sera plus vite dirigé vers une formation d’ingénieur que vers une carrière dans le commerce de détail.

Ces mêmes modèles de rôles et les stéréotypes fondés sur l’appartenance à l’un ou l’autre sexe qui y sont liés, entrainent une répartition déséquilibrée des tâches entre les femmes et les hommes au niveau du ménage et des soins aux enfants. Par conséquent, les femmes prennent plus souvent un crédit-temps ou commencent à travailler à temps partiel. Quelqu’un doit quand même bien s’occuper des enfants ? Lorsqu’un salaire n’est pas beaucoup plus élevé que ce que représentent les frais de garde des enfants, le « choix » est vite fait. De plus, lorsqu’une possibilité de promotion se présente au sein d’une entreprise, un homme – qui travaille à temps plein – aura plus de chances qu’une femme, qui a pris deux congés de maternité au cours des dernières années. Les hommes aussi sont « sanctionnés » professionnellement, par exemple, pour quelques mois de congé parental. Le fait est que, dans notre société, ce sont généralement les femmes qui assument la majorité des tâches de soins et qui interrompent plus vite leur carrière.

Ce cercle vicieux est particulièrement difficile à rompre. On ne peut que se réjouir que davantage de femmes parviennent à briser le plafond de verre ou à se détacher de ce sol collant. Mais l’écart salarial et les modèles genrés bien ancrés dans notre société nécessitent un changement bien plus profond au niveau sociétal.

Écart de pension

Le gouvernement Michel fait tout pour détricoter nos pensions légales, un des principaux piliers de notre sécurité sociale. Les mesures gouvernementales ont par ailleurs des conséquences plus lourdes pour les femmes que pour les hommes : la suppression du crédit-temps sans motif et le relèvement de l’âge pour l’accès à la pension de survie ne sont que deux exemples parmi d’autres.

C’est pourquoi, nous consacrons cette année une attention particulière à l’écart de pension. En raison de la répartition inégale du travail, les femmes parviennent moins facilement à une carrière complète. Elles se constituent donc moins de droits sociaux. Comme elles gagnent en outre moins que les hommes, même si elles font le même travail, leur pension sera moins élevée. L’écart salarial f/h mène donc inévitablement à un écart de pension f/h.

Aujourd’hui, la pension moyenne des femmes est de 882 euros. Ce qui est beaucoup moins que les hommes. L’écart de pension atteint ainsi quelque 25%. Ajoutons à cela que nos pensions sont parmi les basses d’Europe.

Solutions

La FGTB continue à plaider en faveur d’une réduction collective du temps de travail. Une semaine de travail plus courte se traduit par une meilleure répartition du travail, entre les générations et aussi entre les femmes et les hommes et par une société plus juste où un plus grand nombre de personnes réduisent leurs prestations de travail pour mieux vivre.

Plutôt que d’introduire toutes sortes de statuts flexibles, le gouvernement ferait mieux de se concentrer sur des emplois de qualité. Aujourd’hui, trop de personnes, surtout des femmes, se retrouvent dans des emplois particulièrement précaires, du travail à temps partiel ou du travail intérimaire sans pouvoir en sortir. Un emploi stable et de qualité, en revanche, crée des perspectives d’avenir.

Nous attendons également de ce gouvernement une application correcte de la loi de 2012ou son adaptation. Cette loi vise à régler la question de l’inégalité salariale entre les hommes les femmes et à stimuler le dialogue social et l’action sociale au niveau interprofessionnel, sectoriel et de l’entreprise. L’écart salarial f/h stagne depuis quatre ans déjà. Rien ne change au système des avantages extralégaux, surtout profitable aux hommes. Les classifications de fonction neutres en matière de genre ne se traduisent pas par une augmentation des salaires pour les femmes. Il n’est nullement question d’une date de fin pour la disparition de l’écart salarial comme c’est par exemple le cas dans la récente loi islandaise « Equal Pay Standard ». Il est donc grand temps de revoir cette loi.

Enfin, nous devons, en tant que société, rompre avec les modèles de rôles traditionnels. Une répartition équilibrée des tâches de soins et des tâches ménagères signifie une plus grande égalité sur le marché de l’emploi. Nous avançons d’ores et déjà deux pistes : les autorités doivent investir dans des infrastructures d’accueil et de soins accessibles et de qualité, le congé de naissance devrait être élargi et rendu obligatoire, car aujourd’hui beaucoup de jeunes pères sont mis sous pression pour ne pas le prendre. Reconnaître et lutter contre les stéréotypes du genre « les filles sont moins douées pour la technique que les garçons » mène à une plus grande égalité salariale. Une prise de conscience s’avère à cet égard indispensable. C’est pourquoi, chaque année, nous menons une campagne.