Visuel crise politique
25 août 2017

Crise politique – Relançons la mobilisation politique et citoyenne

« A l’aube des élections 2019, relançons la mobilisation politique et citoyenne autour d’un projet de société »

19 juin 2017. Benoît LUTGEN, Président du CDH, débranche le gouvernement wallon. Un coup de poker, motivé par la situation sondagière plus que délicate d’un parti, avec pour ambitions de bouter le partenaire socialiste hors-piste et de se refaire une virginité, d’exister à nouveau… Au diable les projets, les engagements envers les citoyens, pris un soir d’octobre 2014. Au diable la stabilité des institutions et leur devenir. Place à la « stratégie » politique ! En ligne de mire unique : les élections communales (2018) puis régionales, fédérale et européenne (2019).

L’incompréhension est totale. Dans nos organisations. Chez les citoyens…

Un mois plus tard, le 14 juillet, Céline FREMAULT, Ministre CDH bruxelloise en charge du Logement, de la Qualité de Vie, de l’Environnement et de l’Energie, poussée par son président de parti, tentera, à son tour, de mettre à mal un gouvernement dont elle prend bien garde, jusqu’ici, de démissionner…

En coulisses, les acteurs se pressent et se bousculent. Le 28 juillet, une nouvelle majorité se met en place en Wallonie (MR-CDH). En région bruxelloise et en Fédération Wallonie-Bruxelles, le flou perdure.

Résultat : des dossiers aussi fondamentaux – pour Bruxelles et pour la Fédération – que l’enseignement (via le pacte d’excellence), le non-marchand, l’aide à la jeunesse, la petite enfance, la santé, la réforme des allocations familiales, la mobilité, parfois proches d’un aboutissement, se trouvent aujourd’hui à l’arrêt. Des heures de négociations au sein d’ organes de gestion, d’avis et d’autres instances paritaires semblent perdre tout leur sens. Une situation qui risque d’impacter durement le devenir d’une Région, comme le sort concret de très nombreux Francophones.

Dans un peu plus d’un mois, les parlements bruxellois et communautaire feront leur rentrée politique. Difficile, à ce stade, de prédire si émergeront (ou pas) des majorités. Difficile, aussi, de prédire lesquelles. Et, en conséquence, impossible de prévoir le programme que celles-ci s’engageront à porter au cours des deux dernières années de la législature…

Cette incertitude n’a d’égale que notre colère. Elle suscite de vraies questions quant au devenir de nos projets, de nos institutions démocratiques et, plus largement, des Bruxellois et des Francophones. Car, si l’heure n’est pas encore aux conclusions, force est de constater que la crise actuelle a fait émerger trois constats inquiétants :

  1. L’occupation du pouvoir prime sur les projets et sur l’intérêt général. La démonstration de M. LUTGEN ne permet aucune équivoque. Le projet politique porté depuis près de 3 ans, aux côtés du parti socialiste au sein des exécutifs précités, n’aura pas survécu aux craintes d’un Président de voir son parti sombrer progressivement dans les intentions de vote. « Sauver le CDH » signifiait pourtant mettre en péril des projets et des promesses. La peur a pris le pas sur la raison. La perte de confiance des citoyens dans les institutions et les partis politiques était déjà actée. Nul doute que cette crise renforcera leurs sentiments et contribuera à la montée du populisme. Si la partie francophone du pays semble aujourd’hui, électoralement, y échapper encore, les tentations populistes des classes populaires demeurent fortes, tant les travailleurs se voient insécuriser socialement et culturellement.
  2. La Fédération Wallonie-Bruxelles est fragilisée. Son impossible cogestion par des majorités régionales diamétralement opposées pourrait bien consacrer, cette fois, la faillite de la Communauté française et ouvrir la voie au confédéralisme. N’oublions jamais que le fédéralisme belge n’a pu se construire que grâce à l’innovation institutionnelle, un peu surréaliste, d’entités communautaires attachées aux personnes et transcendant les frontières physiques des Régions. La mort clinique de la Fédération pourrait provoquer un véritable séisme institutionnel, dont on sous-estime les conséquences, sans parler du prix à payer, à terme, par les Bruxellois, lorsqu’ils devront financer tout seuls les universités et les hôpitaux établis sur leur territoire….
  3. La pensée unique gagne du terrain. La rentrée politique va probablement consacrer le ‘triomphe’ (évidemment factice) de « la Wallonie en marche » du couple MR-CDH. En cas de maintien du parti socialiste au sein de la majorité régionale bruxelloise, la Capitale du pays pourrait bien devenir, une sorte de « petit village gaulois » d’irréductibles Bruxellois cosmopolites. Rien n’assure, pour autant, que la / les gauches bruxelloises et leurs projets résisteront aux élections de 2019. Le risque de voir émerger, en 2019, des majorités de droite homogènes à tous les niveaux de pouvoir, armées de pouvoirs spéciaux, se chargeant de terminer la déconstruction de nos acquis sociaux, est bel et bien réel. Avec les conséquences connues que l’émergence de ce type de majorité a sur le devenir des travailleurs, comme l’atteste la politique actuellement menée au niveau fédéral…

Pour la FGTB, à l’aube des élections 2019, il est urgent de relancer la mobilisation politique et citoyenne autour d’un projet de société qui soit un contre-populisme anticapitaliste et de créer, pour paraphraser Edouard Delruelle, des fabriques d’idées dont le rôle est d’opérer la médiation entre les organisations (partis, syndicats, associations,…), les cadres (universitaires, responsables, etc.), les médias et l’opinion publique. C’est le défi de la rentrée pour la société civile. Il s’agit de donner un souffle nouveau à Tout Autre Chose, à Hart Boven Hard, aux Acteurs des Temps présents et de retrouver le chemin des convergences de gauche entre syndicats, partis et associations, avec pour préoccupation commune notre devenir populaire et pour ambition, à l’échéance de 2019, de détourner l’opinion des tentations populistes et néo-libérales. Rien n’est perdu ! Ensemble, on est (toujours) plus forts…

Philippe VAN MUYLDER,
Secrétaire général de la FGTB Bruxelles